Les facéties d'Hippocrate - Morceaux choisis - Le clergé
LE CLERGÉ
Une soutane ! Un grand costaud au nez busqué et au menton volontaire. La paroisse d’à côté… Malgré l’arrivée de Ratzinger, il y a encore quelques cathos ! On s’en sert cinq. Lui, c’est quatre, l’annulaire est replié. Je l’ai déjà vu en consultation et il me fait le coup à chaque fois. Un signe de reconnaissance peut-être ? Un grade dans une confrérie ? Il dit qu’il en est et combien il est puissant ! Il y a tellement de groupes souterrains qui se malaxent bizarrement les mains que je m’y perds. Mais je respecte ! Chacun son identité, affichée ou non.
Personnellement, je n’ai pas cette propension à socialiser à outrance, que soit à découvert ou en secret. J’ai toujours été solitaire et frondeur. Un chien royal comme Aristippe, le disciple dissident de Socrate. Je ne fais pas partie des gens bien-pensants. Le conformisme est pour moi une tartuferie. Je préfère être un voyou de la pensée. Mon prêtre-patient ne me donnera pas l’absolution…
C’est une visite de routine : cholestérol, glycémie, ionogramme, acide urique… Tout est normal !
Mais mon curé a d’autres préoccupations ! Il m’explique qu’il n’a toujours pas digéré l’affront de Raffarin ! Effacer du calendrier un jour saint ! Il n’aura pas droit au paradis, l’ancien Premier ministre ! Dieu le bannira pour cette vilenie !
Pourtant Raffarin, avec son dos courbé, son nez qui lui permet de fumer sous la douche, je lui trouvais un air de parenté avec Mazarin qui fut lui aussi Premier ministre en son temps. Leur obstination, leur résistance à toutes les cabales les rapprochaient. Le soutien sans faille de la régente Anne d’Autriche n’était pas loin de la fidélité qu’avait manifestée Chirac à l’époque pour son protégé.
Il ne devrait pas s’inquiéter aujourd’hui, mon prêtre : plus personne ne bosse le lundi de Pentecôte !
Je lui demande se déshabiller… C’est toujours surprenant de voir ce qu’il y a sous une soutane. Un corps normal, rien de plus ! L’uniforme déshumanise, dépersonnalise.
Allongé comme ça, sans son habit, on ne sait pas ce qu’il est… Tout devient futile quand on est malade et à poil. Je ne vois qu’une chose : il a les genoux complètement bouffés, à force de s’agenouiller devant son autel…
Je me suis toujours dit : « Ni Dieu ni maître !» Et mes rotules sont impeccables…